Un cadeau pour l'huissier/garde/homme à tout faire

Une sorte de marchand, guidant d'une main expérimentée les chevaux de son attelage, arriva dans la cour de l'académie. Sautant à terre devant l'huissier médusé, il farfouilla dans son chariot et en sortir un paquet emballé.

Tenez l'ami. Gossoin, c'est bien ça ? Que Christos vous bénisse en ce jour. Joyeuse saint-noël à vous, et merci d'être resté à votre poste quand l'académie a eu quelques difficultés.

Mais je me demandais si vous pouviez me rendre un service. J'ai des paquets à déposer dans les bureaux de quelques personnes : Anne de Culan, Aelia Prigent et aussi une dénommée Stephandra, si elle est joignable ici. Je crains de ne pas savoir m'y rendre. Vous voulez bien m'y conduire ? Et pourriez-vous également me dire s'il y a des gens que j'aurais oublié dans ma liste ? Sire Bastien, qui m'a chargé de cette mission, ne m'a cité que ces noms-ci pour l'académie. Ma charrette contient encore quelques petites choses.

Le dénommé Gossouin se sentait de plus en plus important. Lui qui n'était resté que par habitude, et parce que Dame Anne lui permettait de loger au-dessus des écuries, tout en lui procurant de quoi manger deux fois par jour, voilà qu'on l'en félicitait. Et un cadeau ! Voilà qui peut faire sourire un garde, par ma foi ! Il accepta le présent avec dignité, c'est-à-dire qu'il évita de se jeter sur les ficelles pour découvrir le contenu, et écouté les questions du visiteur.

Vous voulez bien m'y conduire ? Et pourriez-vous également me dire s'il y a des gens que j'aurais oublié dans ma liste ?

Le vieillard se prit à réfléchir, ce qui se traduisait par un front plissé, l'oeil droit lorgnant à droite, le gauche sur le bout de son nez crochu, la bouche ouverte et l'index sur l'unique chicot qui ornait encore sa mâchoire inférieure.

Ben je sais pas trop, Messire. Il y a deux autres académiciens, encore : Messire Walan et Messire Gerault.

Il se retourna à demi, comme pour évaluer la hauteur de la coupole.

Ces dames se tiennent là-haut, dans les bureaux.

Son pouce, par-dessus son épaule, désigna le pied de l'escalier qui s'amorçait derrière une porte à double battant, tout au fond de la salle des Pas Perdus. Il n'avait pas du tout envie de monter. Trop haut pour ses vieux genoux. Alors il fit la seule chose possible. Il sortit dans la cour, se planta au beau milieu, face à la Coupole, leva la tête, mit les mains en porte-voix, et appela.

Dame Aaaaaaaaaaaanne ! Dame Stephandraaaaaaaaaaaaaaaaaa ! Dame Aeliaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !

Deux académiciens de plus ? Deux sires... Voyons voyons voyons...

Le marchand fouillait dans son chariot en parlant.

Ah ! Voilà ! Je les emballe et j'arrive.

Sur ce il entendit le garde hurler dans la cour. C'est une halle aux poissons ici ? Grumph ! Surtout qu'il n'avait pas prévu que tout le monde soit à son poste en cette période de fêtes. Sa mission c'était de transporter le cadeau du point A au point B. Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir dire à tous ces savants, lui qui était fier de savoir compter, mais qui avait du mal à écrire davantage que son nom ?!

Le nez dans ses dossiers et croyez qu'actuellement ce n'est pas peu dire, la brune hoche de la tête régulièrement peu satisfaite de ce qu'elle fait ce qui est chose plus qu'habituelle, car elle n'est jamais satisfaite de ce qu'elle fait, se disant qu'elle peut toujours faire mieux.
Soudain elle entend un cri venu de la cour

Dame Aaaaaaaaaaaanne ! Dame Stephandraaaaaaaaaaaaaaaaaa ! Dame Aeliaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !

Stéph sursaute et se redresse aussi sec, que se passe-t-il? Pourquoi Gossouin crie-t-il ainsi? Souvenir des mots d'Anne, pensées pour ses gants blancs dissimulant vilaines plaies, la première idée qui lui passe par la tête est le feu... C'est idiot mais c'est ainsi... cela doit être grave pour que l'huissier crie ainsi...
Sans plus réfléchir, elle attrape ses dossiers hors de question de perdre quoi que ce soit, prend sa cape et file en courant dans les couloirs tout en vérifiant au passage que les bureaux sont vides de tout occupant.
Puis, elle dévale l'escalier à toute vitesse mais ne sent ni ne voit de fumée, ce qui la rassure un peu, mais bon sang pourquoi ce cri en ce cas?
Arrivée au bas de l'escalier, les cheveux en pagaille, l'air pâle et le regard hagard, elle voit Gossouin, un autre messer qu'elle ne connait pas et des paquets..
Interdite un instant, tourne la tête pour voir si tout va bien, si les autres personnes arrivent puis lance

Que se passe-t-il? C'est le feu? Une tempête? Une attaque?....Nope qui viendrait attaquer l'académie ? tsss!

Appliqué à découper avec une lame la tige d'une plante pour en retirer les feuilles pour en faire des décoction, maintenant qu'une ordonnance autorisé la médecine et les potions il avait fort à faire pour rattraper les années d'obscurantismes.
Sur le nez des lunettes grossissantes à doubles lentilles de verre, la langue tiré pour la concentration, il sursauta quand il entendit crier.

Qui venait donc perturber ainsi le silence de la vénérable institution !!!
Le Vicomte posa ses instruments pour aller voir à la fenêtre, en se penchant il distingua une espèce de charrette.

Qu'est ce que ...

Par essence, curieux, comme devait l'être tout scientifique il se nettoya les mains avant de descendre dans les parties communes.

Oh euh ben...Le marchand voit arriver deux personnes. Un peu gêné au début, il repose les paquets qu'il vient de préparer, et en prend deux autres, un dans chaque main, avant de s'approcher des savants.

Dame, sire, je suis Francesco Malatesta, humble marchand de mon état. Je ne pensais pas vous déranger en venant ainsi à l'improviste en ces jours où la France est en fête. Mais pour honorer la saint-noël, un de mes clients m'a confié la mission de vous remettre ceci. Je vous les donne donc en main propre.

Il donne un paquet à chacun.

Puis-je s'il vous plait vous demander vos noms, afin de prévenir de qui a eu quoi ?

S'il se souvient bien de ce qu'il y a dans les paquets, la dame avec des dossiers sous le bras a une bouteille d'encre et une plume d'oie, tandis que l'homme à lunettes trouverait dans son paquet un mortier et un pilon de voyage. A moins bien sûr qu'il n'ait donné le mauvais paquet à la bonne personne, mais qui sait ? Est-ce qu'il a interverti avec la bouteille de génépi [alcool de fleur des montagnes, traditionnel dans les Alpes] qu'il était sensé donner au garde ? Non, normalement tout était fait comme prévu.

Des cris dans la cour, des bruits de pas pressés dans le corridor, voilà qui suffisait, en ces temps fort troublés, à ébranler les nerfs d'Anne.
Elle avait dû revenir de toute urgence à Paris, quérir au Louvre des missives d'importance telle qu'on ne pouvait les confier à un coursier. Certes, elle aurait dû, toutes affaires cessantes, repartir pour l'Anjou. Mais elle se disait que dix minutes de plus ou de moins ne changeraient pas la face de la guerre. Et de toutes façons, pour attraper la route d'Orléans, préférable en cette saison à celle de Chartres, il fallait passer l'eau, et longer l'Académie.
Elle se trouvait donc dans le bureau qui avait été celui de son père, et adressait à l'absent une fervente prière, pour qu'il demandât à Aristote de faire cesser tout ça. Après tout, feu Valatar avait appris à Aristote à jouer aux fléchettes : il pouvait bien lui demander un miracle en échange.
Les cris de Gossouin l'interrompirent. Elle se précipita dans le grand escalier, au risque de se rompre le cou, pour tomber sur le vieil homme assis tout benoîtement sur une borne de monte, en train de humer un flacon qui semblait contenir du génépi.
Non loin de lui, Dame Stephandra et Messire Gérault bavardaient avec un colporteur.

Anne se sentit partagée entre la colère qui succède souvent à une grande peur et un soulagement qui menaçait de lui couper les jambes. Pour ne pas céder à celui-ci, elle sacrifia à celui-là.

Maître Gossouin, veuillez attendre la fin de votre service, je vous prie.

Et elle s'approcha du petit groupe.

Anne de Culan, Grand Académicien Royal. Que se passe-t-il céans ?

Une autre personne arrive, Stéph tourne la tête et sourit en voyant le Vicomte, que le monde est petit, elle sourit car rassurée, rien de grave semble arriver.
Puis elle écoute l'homme se présenter et le salue de la tête respectueusement, ce dernier lui offre un paquet, c'est qu'elle n'est guère habituée à recevoir des présents.
Elle le prend délicatement et

Enchantée et grand mercé à vous messer Francesco Malatesta, je suis Stéphandra Dandolo du Moutier et qui est votre client que je puisse le remercier par moi même?

Elle entre ouvre le paquet et sourit en voyant ce qu'il contient, sur ce fait Anne arrive, Stéph remarque qu'elle aussi a dû se soucier alors elle lui sourit pour la rassurer

Ce messer du nom de Francesco Malatesta et un marchand et il doit nous livrer à chacun un présent de la part d'un de ses clients dont je n'ai pas odit le nom, je l'avoue.

Soupire de soulagement discret et elle se décale d'un pas pour laisser plus de place.

Gérault resta un instant interloqué en recevant le présent, ce demandant en quel honneur, pour quel raison, en général les présents que l'on n'attend pas son de mauvaise augure aussi il n'ouvrit pas le paquet de suite.

Et bien ... Je suppose qu'il est d'usage que vous remerciez votre commanditaire alors faites cela. Mon nom est Gérault de Gaudemar, académicien en chair de l'institut des Sciences.

La GA arriva tout feu tout flamme, demandant ce qu'il se passait. Il ne dit mot, Stéphandra lui répondant.
Il secoua le paquet et porta son oreille sur celui ci pour deviner ce qu'il contenait.

Francesco avait noté les noms des prestigieux destinataires sur un morceau de papier et il s'inclina devant eux. Il expliqua qu'il avait été envoyé par Bastien de Louhans, copiste en histoire et récente recrue de l'académie. Les cadeaux n'étaient certes pas bien impressionnants, mais tous les membres de la maison Louhans, à commencer par Francesco, espéraient qu'ils trouveraient leur utilité auprès des académiciens.

C'est là qu'arriva la grande académicienne, et elle tanca immédiatement le garde, qui avait visiblement testé sa bouteille de génépi sans attendre. Bastien avait bien recommandé à Francesco d'appeler excellence son excellence. Parce que ce sont des choses qui se font.

Mes salutations excellence, en ce jour de fête, permettez-moi de vous offrir ce modeste présent. Arrivées directement des terres d'origine d'il signore Bastien, dans le saint-empire, ces quelques graines de pavot doré de nos montagnes, aussi appelé coquelicot d'or, feront merveille en votre demeure j'en suis sûr.

Le marchand remit à Blanche un petit sachet de graines enveloppé dans une étoffe colorée.

Vous n'en connaissez peut-être pas l'usage, si loin des montagnes, excellence. Faites-les infuser, et elles vous protègeront efficacement contre le froid, surtout qu'il semble bien moins terrible ici que dans les vallées alpestres. On abuse des graines de pavot doré, par chez nous, ça aide à se détendre en plus d'aider à résister au froid. Quoique je doive vous avertir que les graines sont un peu grasses.

Francesco remet ensuite au garde les paquets pour les académiciens qu'il n'a pas rencontré en personne, avec pour mission de les déposer dans leurs bureaux respectifs.

Puisqu'il semblait que l'on se trouvait entre gens de bonne compagnie, Anne écouta attentivement les explications de Dame Stephandra, sans oublier de saluer les présents. Un regard au dénommé Francesco, qui lui rappelait un autre Francesco, éphémère copiste en son Institut, et il en vint aux explications.

Du pavot doré... Vous remercierez comme il se doit votre maître, Messire. Et ... hum... il fait bien froid, dans cette cour. Pourquoi n'irions-nous pas dans la Salle des pas perdus ? Gossouin ! Vous nous y ferez porter quelques bouteilles. Demandez à Bacchus, il sait où en trouver. Et quelques pâtés en croûte, aussi. Il s'en fait de fort bons à l'entrée de la Rue Neuve du Petit-Pont, à deux pas d'ici.

Tout en baillant discrètement quelques écus de sa bougette au vieux Gossouin, tout ravi de pouvoir s'éloigner pour goûter tranquillement de son génépi, elle ouvrit la marche et entra dans la salle des pas perdus.

Nos voix sonnent bien fort, ici, dans tout ce vide. Mais je ne désespère pas, avec votre aide et celle du Très-haut, de parvenir à l'emplir de nouveau comme il se doit. Allons ! trouvons des sièges, et devisons en attendant le retour de Gossouin et de ses pâtés.

La brune de prendre note intérieurement du nom de la personne à remercie, elle utilisera plus tard cette jolie plume offerte et cette encrier, pour l'heure elle écoute l'échange qui se fait entre Anne et le marchand, puis elle scrute discrètement de sa place les graines avec curiosité.

Lorsque le Grand Académicien propose de se rendre dans une pièce pour parler tranquillement et ... manger un morceau, un sourire se pose sur ses lèvres et c'est avec un certain ravissement ou ravissement certain qu'elle suit Anne et les autres personnes présentes. Rapidement elle se met en quête de sièges et en propose à Anne, Gérault et à l'invité surprise dès qu'elle en trouve un. S'en prend un pour elle et l'installe près d'une table bien présente.

Que le Très Haut vous entende! Dit-elle simplement.

Des pâtés ? Des bouteilles ? Voilà une bien bonne idée... Ainsi cette mission aura été plus que gratifiante pour le brave marchand, qui n'en attendait pas tant. Francesco acquiesce donc avec empressement, en s'inclinant. Il laisse sa charrette à la garde qu'il suppose zélée du garde, en lui disant qu'il y a d'autres bouteilles de génépi dedans.

C'est un honneur d'entrer dans cette salle. J'espère ne pas vous faire manquer aux obligations de votre charge, dames.

Il note en particulier que l'une des deux est une Dandolo, et après avoir cherché dans sa mémoire où il a entendu ce nom prestigieux, il est très heureux de trouver des émigrés italiens si loin en territoire français. Le nom de la dame de Culan est lui aussi connu en terre impériale, mais peut-être s'agit-il d'un homonyme, la grande académicienne n'ayant pas l'air de mentionner de terre beaujolaise, ou même lyonnaise, où elle se serait rendu venant du Berry. Une cousine peut-être ?